Le dialogue turco-arménien passe-t-il par Paris ?

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13.10.2006

La proposition de loi socialiste visant à sanctionner la négation du génocide arménien a donc été mise à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale française (le 12 octobre). Cette loi, qui semble faite pour combattre les génocides, et se veut en cela fondée sur les responsabilités et droits humains universels, est en réalité en opposition absolue avec la liberté d'expression, principe fondamental pour l'exercice des droits de l'homme.

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Les lois et pratiques limitant la liberté d'expression - qui existent depuis longtemps en Turquie -, et ce même type de lois qui commencent à voir le jour en Occident, sont les fruits de la même mentalité oppressive : elles restent étrangères à la tradition démocratique.

Nous ne croyons pas que les réalités historiques vécues dans le passé par le peuple arménien aient besoin d'être enregistrées, voire encadrées, par des lois pénales. Pour bien comprendre l'histoire, nous n'avons pas besoin de lois, mais d'une solide éthique et d'une conscience morale.

Les Turcs et les Arméniens ressentent aujourd'hui le besoin de s'entendre et de se comprendre. Et la condition sine qua non de ce dialogue est bien la liberté d'expression et la libre circulation du savoir. Des lois qui limitent la liberté d'expression, promulguées qui plus est dans des pays tiers, ne font que dresser des obstacles psychologiques sur le chemin du dialogue turco-arménien.

Aujourd'hui, le devoir de l'Occident, qui a eu dans le passé une si grande responsabilité dans la dégradation des relations entre ces deux peuples, devrait consister à établir les moyens propres à encourager la coopération entre eux et à les soutenir sur la voie du dialogue.

Cela dit, la République de Turquie est obligée de se rendre compte des réactions qu'elle engendre dans les pays étrangers par la posture qu'elle a adoptée jusqu'à ce jour dans la question arménienne. Elle ne peut à la fois maintenir cette attitude, qui consiste à mépriser la douleur des autres, à traiter ses propres citoyens comme des otages, et en même temps réclamer d'être respectée avec sa vision de l'histoire.

Au sujet du génocide arménien, cette approche officielle ne saurait être prise au sérieux, car elle se refuse même à affronter les divers aspects de sa propre histoire.

Autant la proposition de loi française est, d'un point de vue éthique, illégitime, autant les réflexes nationalistes de la Turquie sont malsains.

De nos jours, les communautés font beaucoup d'efforts pour mieux se comprendre. Nous estimons que les tactiques politiques officielles respectives trahissent la cause d'un monde pacifique et équitable. En conséquence, nous invitons les parties au bon sens.

Etyen Mahçupyan, économiste ; Hrant Dink, journaliste ; Ragip Zarakolu, éditeur. Tous sont poursuivis pour avoir écrit, ou publié des articles sur la question arménienne en Turquie.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0,36-822733,0.html